Tension quotidienne
Un cours ordinaire, en apparence. Tout pourrait très bien se passer... D'ailleurs, le prof prie pour que ce soit le cas.
Oui, mais voilà.
Un papier vole, qui vient interrompre son pimpant discours sur la vie difficile des comédiens au XVIIème siècle, pour atterrir gaiement sur le bureau, là, juste sous ses yeux. Impossible de l'ignorer.
Pendant que tous les regards sont braqués sur lui, celui du prof, spontanément, se porte sur X. Par habitude. Et avant même que le prof n'imagine ce qu'il va pouvoir dire, comment il va devoir réagir, X. le devance.
- Pourquoi qu'vous m'regardez ?
Et là, le prof sait qu'une bataille s'engage. Son but : la gagner. L'enjeu : affirmer son autorité.
Pendant ce temps, X. s'agite, le fixe. Il faut réagir vite. Au centre de l'attention, X. jubile : pour lui aussi, l'enjeu est de taille, c'est sa place de meneur qu'il joue. Et comme il n'a pas l'intention de se laisser marcher sur les pieds, il reprend en haussant le ton :
- Zyva, c'est toujours moi d'façon ! Marre de la prof, elle est pas nette ! Comme d'hab', c'est toujours moi ! J'ai rien fait, moi !
Il ferme son cahier, claque sa trousse, se lève.
Le regard noir, le prof s'avance et s'efforce de parler d'un ton neutre. Avec un sang-froid apparent qu'il est loin d'éprouver, il recommande à X. de s'asseoir, de se calmer. L'autre le fait en grondant : y'en a raz le bol de c'collège, de c'te prof ! P'tain, c'est pas lui, bon sang !
Le prof attend en silence.
X. se calme, peu à peu.
Résultat des courses : un semblant de victoire pour le prof malmené, dix minutes de cours gaspillées, une ambiance plus que tendue. Et pourtant, il faut continuer, reprendre, faire comme si rien ne s'était passé.
Sur le point de retourner au tableau, le prof croise le regard désespéré de la voisine de X. A la fin de l'heure, elle lui apprendra que le propriétaire et lanceur de la fameuse boulette, c'était bien lui.